Prix Bayeux

Mahmud Hams et Adem El-Zaanoun, journalistes de l'AFP à Gaza, apparaissent dans le film Inside Gaza

Mahmud Hams et Adem El-Zaanoun, journalistes de l'AFP à Gaza, apparaissent dans le film Inside Gaza

Octobre 2025

Gaza : Entre cessez-le-feu fragile et crise de confiance dans les médias

Depuis le début de la guerre en octobre 2023, la bande de Gaza est devenue un symbole des défis de l’information en temps de conflit. Alors qu’un cessez-le-feu a été annoncé en octobre 2025, les questions sur le rôle des médias, leur neutralité et leur capacité à informer dans un tel contexte n’ont jamais été aussi présentes. Le film Inside Gaza, sorti en 2025 et que nous avons pu voir lors du Prix des Correspondants de guerre à Bayeux, met en lumière des journalistes sur place, entre sentiment d’impuissance et volonté de témoigner. Dans un monde où les réseaux sociaux remplacent souvent les médias traditionnels, comment garantir l’accès à une information fiable ? Et pourquoi certains accusent-ils l’AFP d’être « propalestinienne » ou « pro-israélienne » ?

En octobre 2025, après des mois de négociations menées par l’Égypte, le Qatar et les États-Unis, un cessez-le-feu a été annoncé entre Israël et le Hamas, selon plusieurs médias internationaux. Cet accord prévoit l’arrêt des hostilités, la libération d’otages détenus à Gaza et l’entrée d’aides humanitaires massives.

Selon l’ONU, plus de 80 % de la population de Gaza dépend désormais de l’aide alimentaire. Les hôpitaux, déjà sous-équipés, sont submergés par l’afflux de blessés. Le cessez-le-feu a permis l’ouverture de quelques points de passage, mais les ONG dénoncent la lenteur des livraisons.

Côté israélien, le gouvernement insiste sur la nécessité de « démilitariser » Gaza avant toute négociation de paix. Côté palestinien, le Hamas exige la fin du blocus et la reconnaissance de ses revendications. Entre ces positions irréconciliables, les médiateurs internationaux tentent de trouver un terrain d’entente, mais les pourparlers restent bloqués.

Le documentaire Inside Gaza plonge le spectateur dans le quotidien des journalistes couvrant le conflit. Réalisé par une équipe indépendante, le film montre des reporters de l’AFP, confrontés à des dilemmes éthiques et pratiques : comment filmer la souffrance sans l’exploiter ? Comment rester neutre quand on est témoin de scènes insoutenables ?

Plusieurs journalistes interviewés dans le film décrivent un sentiment d’isolement et d’impuissance. Certains ont été accusés de partialité, d’autres ont reçu des menaces. Comme le souligne un journaliste dans le film, sans médias, les sociétés risquent de ne plus rien comprendre.

L’AFP, souvent critiquée, est au cœur des débats. Certains l’accusent d’être « propalestinienne » en montrant trop de victimes civiles, d’autres de minimiser les exactions du Hamas. « Notre travail, c’est de montrer les faits, pas de prendre parti », répond un responsable de l’agence.

En France et ailleurs, une partie de l’opinion publique se détourne des médias traditionnels, jugés trop « politisés » ou « éloignés du terrain ». Les jeunes, en particulier, préfèrent s’informer via TikTok, Instagram ou Telegram, où les images chocs et les témoignages directs abondent.

Pourtant, on observe que les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des fake news. Des vidéos montées de toutes pièces, des photos détournées, ou des rumeurs amplifiées par des algorithmes circulent à une vitesse folle. Malgré les risques, de nombreux reporters insistent sur la nécessité de rester à Gaza. Pour eux, quitter Gaza, ce serait laisser le champ libre à la propagande et aux rumeurs.

La guerre à Gaza a révélé une crise profonde de la confiance dans les médias. Pourtant, comme le souligne Inside Gaza, sans journalistes sur place, sans images vérifiées, sans témoignages recueillis avec rigueur, c’est la compréhension même des conflits qui est menacée.

Pour éviter les fake news :

Croiser les sources : Ne pas se contenter d’un seul média ou d’un seul réseau social.

Vérifier avant de partager : Utiliser des outils comme les décodeurs du Monde ou l’AFP Factuel.

Rester critique : Se demander qui parle, pourquoi, et quels intérêts peuvent se cacher derrière

une information.

Laura Billet-Das

Table ronde Nikon

Octobre 2024

Les Rencontres Nikon

Le 11 octobre 2024, lors de notre voyage scolaire à Bayeux pour le prix des reporters de guerre 2024, nous avons eu l’occasion d’assister à la rencontre Nikon animée par trois intervenants : Wilson Fache, journaliste reporter indépendant belge récompensé par le prix Albert-Londres en 2023, Didier François, reporter de guerre depuis 1985 et fondateur du collectif, et Pierre-Yves Baillet, journaliste spécialisé dans les questions de Défense et l’analyse des conflits asymétriques, tous membres du collectif Frog of War.

Frog of War est « un collectif intergénérationnel de reporters de guerre dont l’objectif est de réduire les risques professionnels inhérents à une couverture des conflits ou des crises » comme l’indique leur site Internet. Lors de ce meeting, les différents intervenants nous ont donc expliqué les risques liés à leur métier ainsi que les mesures mises en place pour les adhérents à l’association.

Tout d’abord, ils expliquent que la génération de reporters de guerre précédente est moins exposée aux dangers que la génération actuelle. « Tous les acteurs des conflits ont compris l’importance de l’information dans la bataille » nous dit l’un des intervenants. Avec la démocratisation d’Internet et des moyens de communications ainsi que l’accessibilité de l’information, les journalistes sont plus que jamais à la fois acteurs et dangers pour les acteurs des guerres. Ainsi, plus de 100 journalistes ont été tués dans la bande de Gaza depuis le début de l’offensive israélienne en octobre 2023. Au moment de la rencontre, le seul moyen pour y accéder était de passer par l’armée israélienne, ce qui impliquait une neutralité journalistique difficilement assurable vu que l’armée peut contrôler ce que le reporter voit ou non.

Ainsi, si la possession d’un téléphone portable est devenu un danger potentiel pour les reporters couvrant des conflits de par la géolocalisation possible, elle est également devenue essentielle pour une transmission efficace des informations.

Le collectif pense qu’« une information précise et de qualité implique des journalistes aussi indépendants que possible ». Pour garantir leur sécurité, il estime que deux choses sont fondamentales : la formation, pour s’assurer que les nouveaux reporters soient prêts et conscients des différents risques et mesures à prendre, et l’équipement (gilets par-balles, …) pour l’intégrité physique des journalistes.

Pour les journalistes adhérant à l’association, le fonds de dotation permet de proposer la prise en charge d’une partie des formations, des équipements individuels de protection, du matériel de communication sécurisé ainsi qu’une assurance, tout cela en échange d’une participation à la vie de Frog of War ainsi que l’assurance d’un partage sécurisé des informations à destination des autres membres de la communauté, comme l’indique encore une fois leur site Internet.

Sandra Bouguedad et Elina Guillaume

Octobre 2024

Le Métier de journaliste de guerre

Le journalisme est crucial pour informer le public, malheureusement parfois en mettant en danger des reporters. En effet, les risques pris par ces passionnés les font parfois se confronter à la mort : c’est un risque lourd qu’ils sont prêts à défier pour nous informer.

Les journalistes couvrant des zones de conflit sont souvent exposés à des dangers importants. Ils risquent leur vie pour documenter les réalités brutales des guerres et des crises humanitaires. Malgré certaines mesures de sécurités, le risque reste grand. Leur travail est essentiel pour témoigner des événements qui se déroulent dans des régions du monde souvent inaccessibles au grand public. Les menaces et intimidations sont également des dangers courants pour les journalistes. Ceux qui enquêtent sur des scandales de corruption ou des abus de pouvoir sont souvent la cible de pressions visant à les réduire au silence. Les menaces de mort, les tentatives d'intimidation et le harcèlement sont des obstacles fréquents qu'ils doivent surmonter pour révéler la vérité.

Couvrir des événements dangereux nécessite une grande rigueur éthique. Les journalistes doivent aborder des sujets sensibles avec respect et objectivité, tout en veillant à protéger les sources et les victimes. Leur rôle est de fournir une information vérifiée et impartiale, même dans les situations les plus difficiles.

Il est essentiel de reconnaître et de soutenir les journalistes qui risquent leur vie pour informer. La société doit valoriser leur courage et leur détermination, car leur travail est indispensable pour maintenir une démocratie informée.

Adem Garaudeaux

L'Ombre de Staline

Octobre 2024

Le reportage de guerre au cinéma

Le métier essentiel de reporter de guerre a été plusieurs fois illustré au cinéma, de manière la plupart du temps réussie. Retour ici sur ces films marquants sur les reporters de guerre.

L'Ombre de Staline

Ce film réalisé par Agnieszka Holland, paru en 2019, raconte l'histoire du journaliste anglais Gareth Jones, premier journaliste à avoir interviewé Hitler et parti pour l'URSS afin d'interviewer Staline sur le « miracle soviétique », soit la méthode de gestion économique de Staline. Jones découvrira alors l'existence de l'Holodomor (en ukrainien « extermination par la faim » ), considéré par certains comme un véritable génocide de la population ukrainienne. Ce film est absolument horrible du début à la fin, bien réalisé et absolument poignant. On y voit aussi le mensonge qui planait sur la société de l'époque, puisque des journalistes occidentaux sur place et bien au courant de la situation ont démenti l'histoire de Jones, avec le soutien des gouvernements européens. Édifiant, stupéfiant, ce film nous plonge dans le cœur du métier de journaliste de guerre, mais aussi dans le cœur des années 30 et de l'horreur qu'elles furent à plus d'un étage. L'impuissance de Jones y est aussi très bien montrée, tout comme l'importance qu'il accorde à son enquête. On y voit bien la position délicate des journalistes de guerre. L'Holodomor fit entre 2,6 et 5 millions de morts, un chiffre difficile à jauger puisqu'il y a eu de très nombreux cas de cannibalisme et de pure et simple disparition des corps.

La Déchirure

Encore une histoire vraie, mais cette fois-ci durant le conflit en Indochine. Le film La Déchirure raconte l'histoire Sidney Schanberg, un journaliste américain, qui est l'un des rares journalistes à être encore au Cambodge lors de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, un mouvement militaire d'inspiration communiste maoïste. Son assistant cambodgien Dith Pran lui sauve la vie, à lui et au journaliste britannique Jon Swain ainsi qu'au photojournaliste américain Al Rockoff. Suite à cela, les trois occidentaux parviendront à fuir le pays tandis que Pran sera envoyé en camp de travail. Schanberg fera alors tout son possible pour retrouver Pran. Ce film est un récit captivant et émouvant de la prise de pouvoir des Khmers rouges au Cambodge et des horreurs qu'elle a provoquées. On y voit la difficulté de ce métier dans des conditions de guerre et le danger que les journalistes courent à tout instant. On est ému, on a des frissons, ce film nous fait ressentir toutes les émotions par lesquelles passent les journalistes de guerre. Encore une fois un film horrible, mais très bien réalisé et qui, contrairement à certains films de cette époque, a bien vieilli. À voir absolument !

Civil War

On revient sur du très récent, avec ma découverte de cette année 2025, qui m'a d'ailleurs fait changer mon plan pour cet article tellement il était bon : Civil War, sorti l'an dernier. Ce film est une dystopie se déroulant aux États-Unis, alors qu'une guerre civile fait rage entre le camp présidentiel et une armée de l'Ouest qui souhaite voir le président américain renversé. Dans ce contexte, trois journalistes de guerre et une journaliste en herbe décident d'aller interviewer le président avant sa mort qu'ils estiment imminente. Et ce film est génial, pas seulement pour l'idée dystopique qui est superbement trouvée, mais aussi pour le parcours de ces journalistes à travers les USA, parcours durant lequel on nous montre toutes les horreurs qu'une guerre peut apporter. Entre guerre conventionnelle, crimes de guerre et massacres entre civils, le film nous montre l'impuissance de ces journalistes qui ne peuvent que prendre des images de ce qu'ils ont sous les yeux. Un film formidable, touchant et bien réalisé.

Titouan Parenty-Lecarpentier